Alors que des nouvelles dignes du bandeau d’informations du jeu
Plague, Inc passent en boucle dans les médias, nul n’ignore la
progression des cas de coronavirus sous sa forme Covid-19. L’épidémie se
transforme à la fois en aubaine pour le gouvernement, qui entend
interdire les rassemblements de son choix – y compris les manifestations
populaires contre sa politique, décision prise par la préfecture du
Morbihan ces dernières heures – et tout autant en puissant révélateur de
la crise engendrée par les politiques bourgeoises des dernières
décennies, franchissant un nouveau seuil avec M. Macron.
Aux
quatre coins de la planète, sous leurs avatars libéraux ou
nationalistes, les gouvernements ultra-capitalistes ont démantelé les
protections sociales. Lesquelles sécurisaient les travailleurs, la
grande classe de ceux qui n’ont que la vente de leur force de travail
pour subsister, contre les risques, notamment pour leur santé. En
France, trois éléments de l’action de l’actuel exécutif, trois attaques
contre la Sécurité sociale, les services publics et les droits du
travail, aggravent lourdement l’impréparation face à l’épidémie de
coronavirus, qui a pour l’instant provoqué moins de décès dans le monde
que la grippe saisonnière dans l’hexagone cet hiver mais qui pourrait
venir à s’intensifier.
Tout d’abord les hôpitaux publics
connaissent une grave crise de sous-financement, sous-effectif et
sous-équipement. La pénurie de moyens combinée à une gestion importée du
secteur lucratif créent les conditions d’une piètre capacité à faire
face aux besoins en soins, en lits et en matériel pour prévenir ou
contenir la contagion d’un virus potentiellement mortel chez les
populations fragiles, les personnes très âgées ou présentant d’autres
pathologies. Il faudrait plusieurs milliards d’euros pour sauver
l’hôpital public, affecté dans ses dotations budgétaires par les
milliards d’euros d’exonérations de cotisations offertes sur un plateau
doré par les gouvernements successifs au grand patronat depuis trente
ans. Face à la grève historique des urgentistes puis de l’ensemble des
personnels hospitaliers, contraints d’assurer les soins malgré tout,
l’État reste parfaitement sourd.
Un autre aspect de la politique
mortifère de ce gouvernement, dans la droite ligne des précédents,
concerne les droits du travail. La suppression des Comités d’hygiène, de
sécurité et des conditions de travail (CHSCT) au profit d’un Comité
social et économique beaucoup moins en pointe sur la prévention et la
protection des salariés, participe largement à la dégradation des
capacités à préserver les travailleurs des risques qu’ils encourent,
dans les usines, sur les chantiers, mais également dans les commerces,
les open-spaces ou les centres de logistiques, lorsqu’ils sont peu ou
pas équipés.
Enfin, les populations les plus fragiles,
c’est-à-dire les plus démunis n’ayant pas les moyens de se payer une
mutuelle et de plus en plus nombreux à renoncer à se soigner pour
raisons financières, sont attaqués comme jamais par M. Macron, ses
ministres et sa majorité parlementaire. La décision d’amputer de cinq
euros par mois l’APL de toutes et tous frappe durement le porte-monnaie
de ceux qui font leurs courses calculatrice en main dès le début du mois
; et une nouvelle baisse est programmée le 5 mai. Pire encore, la
réforme de l’Assurance chômage, prise en catimini l’été dernier par
ordonnances de l’exécutif, sans aucun débat parlementaire ni
concertation avec les organisations syndicales, a causé un effondrement
du montant de l’allocation de retour à l’emploi (ARE) pour une quantité
considérable de privés d’emploi. Quant à l’Aide médicale d’État (AME),
destinée aux plus précaires, elle vient d’être « rabotée » – c’est le
terme consacré par les médias – de quinze millions d’euros pour l’année
2020 : un sens de la synchronisation qui force le respect.
Tout
pour les riches et rien pour « les gens qui ne sont rien », selon le bon
mot du Président Macron, voilà qui pourrait résumer la politique à
l’œuvre depuis bientôt trois ans par ce « nouveau monde » ainsi que
cette « société civile » bourgeoise. Et cela risque d’être dramatique en
cas de crise sanitaire de grande ampleur. Car si le coronavirus ne
vérifie pas l’épaisseur du portefeuille avant de contaminer une
personne, pas plus qu’il ne demande si les papiers sont en règle, il est
évident que les plus pauvres, abîmés par une vie d’exploitation, de
pollution et de consommation de basse qualité, sont d’ores et déjà les
plus nombreux à succomber aux complications d’une maladie respiratoire.
Les plus riches se préservent, bien au chaud, dans leurs domaines et
hôtels particuliers, leur personnel effectuant les basses besognes.
Pendant que le coronavirus tourne en boucle à la télévision et sur les
réseaux sociaux, le prix des masques filtrants vendus au plus offrant
bat des records, heure après heure.