Esbroufe

Alors que le G7 touche à sa fin à Biarritz, les chefs d’État et de gouvernement des principales puissances capitalistes multiplient les conférences de presse pour se féliciter de leurs propres « avancées », sous l’admiration béate d’une partie des médias français ayant abondamment commenté le confort des chambres luxueuses ou les prestigieux plats au menu des déjeuners et dîners du sommet. Il faut bien faire rêver.

Derrière ce vernis, se trouve la froide réalité d’une rencontre de dirigeants motivée, initialement par la guerre économique, politique et militaire contre l’URSS, aujourd’hui par le maintien de la domination occidentale, teinté de néocolonialisme, face à la force des puissances émergentes, Chine en tête.

L’essentiel de ce qui se dit au G7 reste secret. Tout ce qu’ils ont volontairement exposé au public n’est que poudre aux yeux. Le thème de cette année ? Les inégalités socio-économiques, sujet dont Donald Trump, Shinzo Abe, Angela Merkel, Boris Johnson, Giuseppe Conte, Justin Trudeau et Emmanuel Macron se foutent royalement. Ces chefs de nations, unis, par-delà leurs légères nuances, par l’ultra-libéralisme, sont les premiers à permettre et encourager le développement des inégalités. Ils ne sont d’ailleurs pas les véritables dirigeants de ce monde, mais les serviteurs zélés de la classe capitaliste, cette grande bourgeoisie financière qui organise le chômage de masse, maintient la grande misère, met en concurrence les peuples, tire vers le bas les droits sociaux des travailleurs, pour la simple et bonne raison que tout cela lui est profitable. Bon soldat, le doigt sur la couture du pantalon, comme ses acolytes du G7, Macron aménage l’appauvrissement de l’écrasante majorité de la population française, phénomène qui s’aggravera avec les réformes de l’assurance chômage et des retraites.

« C’est une première action concrète de la communauté internationale », brosse dans le sens du poil le journal Le Monde dans un article paru lundi 26 août après-midi : « le G7 a décidé de débloquer une aide d’urgence de 20 millions de dollars pour l’Amazonie ». Comment ne pas, face à pareille promesse, évoquer l’aide au développement à l’Afrique de 25 milliards de dollars, annoncée en grandes pompes par le G7 en 2005 ? Trois ans après, l’Africa Progress Panel, organisme chargé d’en assurer le suivi, ne pouvait constater qu’une chose : le continent le plus pauvre au monde n’en a pas vu la couleur. L’engagement n’avait pas été tenu, et ne l’a jamais été.

Le G7 est l’occasion pour les dirigeants de se gratter le dos mutuellement. Ainsi Emmanuel Macron a cédé à Donald Trump, en reculant sur la taxe GAFA, bien qu’adoptée par le Parlement le 11 juillet 2019, et qui devait rapporter moins que les recettes de l’impôt sur les sociétés si les géants du numérique étasuniens s’en acquittaient loyalement. Dimanche, le chef de l’État a fait savoir que « nous, on ne souhaite pas garder notre taxe. Elle est très imparfaite notre taxe. » Et de renvoyer à l’OCDE, l’organisation de coopération et de développement capitalistes, le soin de s’entendre sur une fiscalité numérique mondiale « d’ici 2021 ». Tant pis si ça ne voit jamais le jour.

Autour de Biarritz, l’impressionnant déploiement des forces de l’ordre a réprimé et dissuadé les manifestants anti-G7, pourtant nombreux. La Ligue des Droits de l’Homme a dénoncé des « arrestations abusives » tandis que la plate-forme Alternatives G7 a dû renoncer à la dernière minute, « compte-tenu du dispositif policier surdimensionné et du climat sécuritaire qui règne sur le territoire du Pays Basque », à organiser des manifestations pacifiques dimanche 25 août. Pas moins de 13.200 policiers et gendarmes, épaulés par des drones équipés de hauts-parleurs pour « procéder à des sommations », ont été mobilisés pour l’occasion.

Le G7 n’est une réussite que pour la classe capitaliste et ses laquais dévoués. Entre coups de com’ et coups de matraque, rien de rassurant ne pouvait en sortir, ni dans la lutte contre les inégalités, ni dans celle pour la préservation de l’environnement. De toute façon, les travailleurs de France et du monde n’en attendaient rien.

Prétextes

Sous la pression du gouvernement étasunien, Google a annoncé mettre un terme à sa collaboration avec le nouveau géant chinois de la téléphonie, Huawei. Sur fond de guerre économique, c’est une bataille entre les deux plus grandes puissances du monde qui se joue.

Nous avons d’un côté un impérialisme américain affaibli qui cherche à perturber le développement d’une bourgeoisie chinoise.

Si les arguments sont pour l’instant purement économiques, ceux-ci précèdent des prétextes fallacieux afin de faire la guerre. Les États-Unis sont coutumiers du fait : Irak, Afghanistan, Syrie…

Il ne faut pas être dupe, ce qui se joue ici n’est rien d’autre qu’un combat pour la suprématie d’une poignée de personnes. Ces ultra-riches sont prêts à tout pour garder leur patrimoine, qui est leur principal argument à la domination.

Le contester, c’est déclarer la guerre.

Secret

Il y a moins d’un an, en juin 2018, le Parlement français a adopté définitivement la loi transposant dans le droit national la directive européenne sur le « secret des affaires ». Cette dernière avait été votée par toute la droite du Parlement européen, députés du Rassemblement National compris, et c’est à nouveau toute la droite, RN inclus, qui l’a fait entrer dans la législation française.

Le secret des affaires avait déjà cours, mais il est désormais inscrit dans le marbre. Les journalistes enquêtant sur les pratiques illicites ou injustes des puissantes multinationales sont priés d’aller voir ailleurs. Le règne de l’argent et de ceux qui le détiennent en masses, prêts à tout pour le conserver ou en agrandir encore le volume, se renforce. Le secret est le prix à payer, disent les serviteurs du pouvoir capitaliste, pour « protéger » les entreprises tricolores, engagées dans la compétition économique internationale, quitte à empêcher toute transparence et toute investigation.

« J’assume parfaitement de mentir pour protéger le Président », affirmait Sibeth Ndiaye, alors conseillère presse de l’Elysée, à l’Express en juillet 2017. Son zèle a été récemment récompensé par sa nomination au poste de porte-parole du gouvernement. Le secret d’État, qui classifie les dossiers sensibles pour en dissimuler les enjeux et les faits aux citoyens, notamment dans le domaine militaire, s’est ainsi élargi aux cercles du pouvoir politique. M. Macron peut décider de tout, du moins dans le périmètre de ce que les ultra-riches jugent acceptable, il n’est pas tenu de rendre des comptes au peuple.

Les simples citoyens et employés, en revanche, n’ont plus aucun secret pour les « géants » du numérique et les États les plus riches. La collecte de données personnelles est soigneusement effectuée par les grandes firmes, en premier lieu les GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, cinq entreprises privées étasuniennes. Votre smartphone, allumé ou en veille, enregistre en permanence les discussions ambiantes avec vos amis et vos proches, puis envoie ces enregistrements sonores aux propriétaires des applications installées. Le plus souvent, sans que l’utilisateur en ait conscience. Vous pouvez faire le test : parlez d’un produit qui vous intéresse à proximité de votre téléphone, et les publicités à son sujet apparaîtront dans votre fil d’actualité sur les réseaux sociaux ou sur Google.

État de santé, projets familiaux, difficultés personnelles… Les multinationales et parfois les services de renseignement, NSA en tête, savent tout de votre vie. Ce n’est être ni paranoïaque, ni complotiste que de constater et dénoncer cette surveillance généralisée, « préventive », préalable à tout écart. La seule technique permettant d’y parer aujourd’hui est la sécurisation des communications, via une messagerie cryptée ou un serveur DNS. Pendant ce temps, les classes populaires sont maintenues dans l’ignorance de ce qui se trame dans les coulisses du pouvoir, économique et politique. Le monde marche sur la tête.

L’intimité de chacun mérite d’être préservée. Le secret entourant le monde des affaires mérite d’être brisé.

Milliards

Il est des sommes que le commun des mortels rencontre des difficultés à se représenter. La formidable expansion des richesses sous l’ère capitaliste de l’Histoire humaine nous oblige, pour en prendre la mesure, à la compter en une multitude de milliards. Quand bien même l’écrasante majorité des Français ne verront jamais plus de quelques milliers d’euros sur leurs comptes courants ou livrets d’épargne.

100 Milliards, c’est cent fois la collecte pour Notre-Dame-de-Paris, mais ce n’est qu’un dixième de l’évasion fiscale opérée par les riches capitalistes et leurs multinationales dans l’Union européenne. 100 Milliards, c’est le pallier dépassé très récemment par les fortunes privées des individus les plus opulents de la planète. Selon les statistiques les plus récentes, Bill Gates cumule 101,6 Milliards de dollars, quand le patron d’Amazon et homme le plus riche du monde culmine à 158,1 Milliards de dollars. Propulsé à la troisième place du classement international des plus hauts patrimoines, Bernard Arnault peut compter sur un capital de 92,1 Milliards de dollars d’après les derniers chiffres. Cocorico !

Ainsi, la fortune de Jeff Bezos s’approche du PIB nominal de l’Algérie, tandis que celle de Bernard Arnault dépasse allégrement l’ensemble des recettes de l’impôt sur le revenu en France. Mais ce n’est pas là le seul exemple de folie de la société capitaliste. Le 26 juillet 2018, l’entreprise étasunienne Facebook a connu une chute vertigineuse de sa valeur boursière : durant les six heures et demie d’ouverture de séance à Wall Street, la firme de Mark Zuckerberg a perdu 119 Milliards de dollars. Autrement dit, un effondrement de plus de 5 millions de dollars par seconde. Pour revenir à notre hexagone, l’aide publique en France aux entreprises privées représente 200 milliards d’euros chaque année, essentiellement captée par les multinationales.

En 2019, le SMIC brut annuel français s’établit à 18.306 euros. 100 Milliards, ce sont 5 millions et demi d’années de travail au SMIC – à temps complet. Pour donner une petite idée, il y a cinq millions d’années, l’Australopithèque n’était pas encore apparu et nos ancêtres étaient difficilement dissociables des chimpanzés. Le poids de 100 Milliards en billets de cent dollars, qui pèsent environ un gramme chacun, dépasse les 1.000 tonnes. Avec son capital, si Jeff Bezos vivait jusqu’à l’âge de 115 ans, il pourrait dépenser 300.000 dollars par heure sans interruption, et il lui resterait encore 315 millions de dollars pour son enterrement.

Sous le capitalisme, les êtres humains n’ont pas tous la même valeur.