Pour les capitalistes, c’est le jackpot permanent. Publiée ce matin,
la dernière étude de la société de gestion de fonds Janus Henderson
Investors établit le montant des dividendes versés aux actionnaires à
513,8 milliards de dollars, un nouveau record historique. Petite
précision : ce montant ne concerne que le deuxième trimestre de l’année
2019.
Bien sûr, certains s’en réjouissent, en premier lieu les
économistes libéraux qui y voient la bonne santé des marchés financiers.
C’est oublier deux choses : la diminution de la croissance mondiale,
sur ce même trimestre, a été la plus forte depuis des années. L’état des
places financières ne reflète donc en rien celui de l’économie réelle.
Plus dangereux encore : la spéculation à tout bout de champ, qui atteint
désormais un niveau supérieur à 2007, fait craindre aux analystes un
nouveau krach boursier.
Le monde des banque et assurances
privées avait massivement spéculé sur des fonds non garantis et échangé
des produits toxiques ; c’est ainsi qu’est survenue la crise des
subprimes, qui a plongé le monde dans la récession. Les pertes
colossales des banques avaient été payées par les États ; ils ont opéré
un transfert de la dette des banques vers la dette publique, devenue
gigantesque, prétexte supplémentaire pour baisser la dépense publique,
c’est-à-dire démanteler les services publics et l’investissement
national. Aujourd’hui, si une nouvelle banqueroute venait à arriver, les
compagnies privées seraient sans doute à nouveau « sauvées » par ces
mêmes États, mais cette fois au prix des larmes et du sang de leurs
peuples : la Grèce partout. Prenez bien garde à ceux qui voudront payer
les pots cassés – le mot est faible – de la finance avec l’argent public
; vous verrez à coup sûr Macron jouer le secouriste, mais ce ne sera
pas pour le bien des travailleurs.
Les dividendes sont censés
rémunérer le « risque ». Les boursicoteurs prendraient les plus grands
risques du monde entier, pour financer l’économie dans une veine
philanthropique ; en réalité, ils sont archi-assurés de récupérer leur
mise, quand ils ne gagnent pas dix ou cent fois leur mise. Quant à leurs
risques, sont-ils plus importants que ceux que prennent les
travailleurs, dont 2,78 millions sont morts à la tâche en 2016 selon
l’Organisation internationale du Travail (OIT) ? Ce chiffre-là aussi est
en très forte hausse, et signifie que toutes les trois secondes un
employé meurt au travail.
Si les dividendes atteignent des
montants phénoménaux, ils ne sont encore que la partie émergée de
l’iceberg. Certes, 513,8 milliards de dollars en un trimestre, ce n’est
pas rien ; si cette opération se répète quatre fois par an, les
dividendes mondiaux approchent du PIB total de la France. Mais la grande
bourgeoisie financière est à la fois gagnante sur ses revenus, les
dividendes, et gagnante sur son patrimoine, le capital. Ce dernier lui
confère le pouvoir suprême, le pouvoir ultime de financement, de
production et d’échange ; elle est la classe dominante du capitalisme,
bien devant les chefs d’États et de gouvernements, qui ne sont que de
vulgaires encadrants. Cette grande bourgeoisie a un nom, elle a un
visage, et elle s’affiche chaque année en tête des classements Forbes et
Challenges. Si vous vouliez connaître l’authentique responsable du
chômage de masse, de la misère, de l’exploitation, de la destruction de
la planète et des guerres impérialistes, la voici.
La France
n’est pas en reste : elle est « de loin le plus grand payeur de
dividendes en Europe », selon Janus Henderson, en hausse de 3,3% sur un
an. Alors que toute l’industrie française, de l’alimentaire aux
services, est progressivement démantelée et transférée vers des pays à
bas coûts, les dividendes tricolores ont atteint 51 milliards de dollars
sur ces trois mois. Pour la classe capitaliste, ce sont de nouvelles
Années folles, où l’oisiveté et l’insouciance priment, loin des classes
populaires et de leur descente aux enfers.