Quand on pense inégalités, on pense d’abord écarts de revenus.
Pourtant, ils sont bien inférieurs au rapport entre plus petits et plus
gros patrimoines. Lequel dépasse l’entendement.
Kylian Mbappé,
peut-être le salarié le mieux payé de France du haut de ses 20 ans,
gagne 1.625.836 euros bruts par mois, lors de la saison 2019-2020 qui
vient de débuter, auxquels s’ajoutent 259.080 euros mensuels en prime
d’éthique, selon le journaliste de l’Équipe Arnaud Hermant, auteur du
livre « Mbappé, le phénomène » sorti le 9 mai 2019. Cela nous amène à un
salaire annuel de 22,619 millions d’euros bruts, soit 17,643 millions
nets.
Le salaire de Kylian Mbappé est au moins aussi phénoménal
que la précocité de son talent, mais sa richesse n’arrive pas à la
cheville de celle de Bernard Arnault. Première fortune de France, ce
dernier est à la tête d’un capital de 90,275 milliards d’euros au 3
juillet 2019, date arrêtée par le magazine Challenges pour déterminer
son classement annuel.
L’attaquant du Paris-Saint-Germain devrait
jouer, à son plus haut niveau, pendant plus de 5.116 ans pour espérer, à
condition qu’il ne dépense rien durant cette courte période, atteindre
la fortune de Bernard Arnault.
Autrement dit, Kylian Mbappé
aurait dû, s’il avait voulu – « quand on veut on peut », après tout –
être aussi riche aujourd’hui que le PDG de LVMH, atteindre son niveau de
jeu et de rémunération actuel en 3.097 avant notre ère, peu ou prou au
moment de l’apparition de l’écriture, un peu avant la construction des
premières pyramides en Égypte antique et 1.000 ans avant l’arrivée des
Grecs en Grèce ; puis jouer, saison après saison, jusqu’en 2019.
S’ils exercent un métier exceptionnel avec un salaire exceptionnel, les
joueurs de football professionnels demeurent des salariés, quand bien
même une infime minorité peut se permettre de jouer au riche, en
achetant par exemple (à crédit) un jet privé. Ils ont un contrat de
travail qu’ils doivent respecter, un employeur auquel ils doivent se
plier, travaillent pour gagner leur argent. Et ils font rêver des
millions de supporters en France.
Mais les vrais riches, les
ultra-riches, sont les capitalistes qui prospèrent sur l’exploitation et
les guerres intestines des classes laborieuses, bien à l’abri dans les
quartiers réservés à la grande bourgeoisie. Eux ne travaillent pas, ils
profitent. Leurs « activités » se limitent à des discussions
stratégiques lors de dîners mondains et à des injonctions à leurs
serviteurs, comptables, cadres-dirigeants. Eux n’apportent rien à la
société. Ils la vampirisent.
Emmanuel Macron a approché cette
classe dominante, sans toutefois l’intégrer réellement pour la simple et
bonne raison que ce qui distingue un capitaliste, c’est la propriété
d’un amas monstrueux de moyens de financement, de production et
d’échange, le capital. Or, le chef de l’État a beau avoir gagné 3,3
millions d’euros bruts lors de son passage à Rothschild, il a tout
dépensé – dans des proportions qui posent question, pour quelqu’un qui
donne des leçons de vie aux pauvres chaque fois qu’il tente de
s’adresser à eux – n’a rien investi et a demeuré enfermé dans
l’antichambre de la bourgeoisie, la classe encadrante qui œuvre à son
service.
C’est précisément tout ce que font Macron et le
personnel politique qui l’entoure : œuvrer au service des ultra-riches.
Ils nourrissent mutuellement leur nuisibilité, les uns en se gavant de
l’essentiel des richesses de notre société, les autres en mentant
professionnellement aux Français pour passer la pilule. À ce compte-là,
on aurait mieux fait d’élire Mbappé.